Le portrait d'Isabelle Junod

Isabelle Junod Isabelle Junod pose devant l'entrée principale du futur Centre hospitalier de Rennaz, un stéthoscope à la main.

« J’ai pris ce stéthoscope de Pinard pour écouter le cœur qui bat du nouvel hôpital de Rennaz .» Isabelle Junod est sage-femme au sein du Service de gynécologie-obstétrique de l’Hôpital Riviera- Chablais. L’objet, qui ressemble à une petite trompette en bois, symbolise son métier. Et la naissance; celle d’un enfant et du centre hospitalier. Même si de nos jours, l’électronique et les nouvelles technologies ont remplacé cet instrument qui amplifie le battement cardiaque des fœtus.

Isabelle Junod est également clinicienne. C’est-à-dire qu’elle s’intéresse aux pratiques des sages-femmes afin de développer et diffuser les plus efficaces et adaptées aux besoins des parturientes et des nouveau-nés. Depuis 2016, elle consacre la moitié de son temps à l’harmonisation de ces pratiques; car à Rennaz, les maternités de l’HRC basées aujourd’hui à Aigle et au Samaritain à Vevey ne feront plus qu’une. Il s’agit en un mot « de fédérer des équipes aux cultures différentes autour de valeurs communes afin d’élaborer des compétences collectives ».

Et ces valeurs communes renvoient à une philosophie de la naissance dite «physiologique». L’idée est de laisser faire en intervenant le moins possible, à l’écoute des parents et des familles afin qu’ils puissent comprendre et donner du sens à ce qui arrive et le vivre positivement. Dans cette optique, on promeut entre autres «la salutogénèse, la médecine intégrative, l’idée que la patiente est une partenaire».

Tout cela bien sûr sans oublier que tout peut se jouer parfois sur un fil du point de vue médical, obstétrical, néonatal, psychosocial et que chaque situation est unique. Et, quand c’est nécessaire, on fait appel aux autres compétences et savoirs de l’hôpital.

Pour mener cette harmonisation, Isabelle Junod se voit à la fois comme un « bulldozer » qui doit aplanir le terrain, forcer quelque peu le destin, et une « horlogère » qui fait preuve de finesse et de tact. Elle ne se le cache pas: « Faire évoluer les routines et les habitudes peut heurter des sensibilités ». Mais tel « un agent double » – à la fois sage-femme et émissaire du binôme médico-soignant à la tête du Service de gynécologie-obstétrique qui lui a confié cette mission – Isabelle Junod « met surtout en mouvement les gens, elle les décloisonne » dans la perspective de Rennaz. Elle reste ainsi proche du terrain et des ses pairs, là où les choses se passent. En même temps, elle prend du recul à l’égard des enjeux à venir propres à son métier.

Sans disposer d’une équipe, Isabelle Junod compte sur la collaboration de tout le monde. Forcément interdisciplinaire, naviguant entre les niveaux hiérarchiques, elle pilote des groupes de travail transversaux voués à la réalisation des projets dont elle a la responsabilité. Parmi ceux-ci, elle cite PRADO, programme d’accompagnement de retour à domicile qui vise à réduire les jours d’hospitalisation lors d’un accouchement.

Les sages-femmes partagent une philosophie de la naissance dite « physiologique ». L’idée est de laisser faire en intervenant le moins possible, à l’écoute des parents et des familles afin qu’ils puissent comprendre et donner du sens à ce qui arrive et le vivre positivement. Cette approche sera centrale à Rennaz.

C’est le genre de programme qui touche beaucoup de collaboratrices et collaborateurs, le réseau extra-hospitalier, les habitudes des familles et qui implique d’importantes remises en question, constate Isabelle Junod. Le soutien de la hiérarchie devient alors primordial tout comme sa volonté de réussir. Encore qu’au départ, elle avoue avoir hésité entre le défi du nouvel hôpital et son travail quotidien de sage-femme.

En effet, dans son for intérieur, elle se sent sage-femme avant d’être clinicienne, voire manager de pratiques soignantes, via une formation qu’elle est en train d’achever. Plus jeune, dans la ferme familiale entourée d’animaux, Isabelle Junod a toujours été fascinée par la naissance. 

Aujourd’hui, à 42 ans, mère de trois enfants, elle conçoit son métier comme une « forme de sagesse, un accompagnement émotionnel, une façon de donner du temps à l’autre, d’évoluer avec autrui ». Cette conviction a mûri au cours des remplacements à l’hôpital d’Aigle, il y a une douzaine d’années. Puis, elle a grandi jusqu’à aujourd’hui dans sa fonction de clinicienne au sein de son service.

Du coup, Isabelle Junod ne pouvait qu’accompagner à son tour l’éclosion du nouvel hôpital. Avec toutes les incertitudes et les opportunités qui font d’un accouchement, quel qu’il soit, une expérience qui mérite d’être vécue. Passionnément.

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