Le portrait de Gérald Carrel

Gérard Carrel Gérald Carrel pose devant l'entrée principale du futur Centre hospitalier de Rennaz, une icône à la main.

Gérald Carrel sort une icône et une bible de son sac. Au cou, il porte une petite croix, «son deuxième badge», plaisante-t-il. L’aumônier « œcuménique » de l’Hôpital Riviera-Chablais a emporté avec lui ces trois objets pour les photos de son portrait. « C’est une canonisation avant l’heure! », s’exclame le prêtre au moment de la pose, avec humour.

La croix renvoie au monde catholique, la bible à l’univers protestant et l’icône de la Sainte-Famille à la liturgie orthodoxe. Même s’il est prêtre, Gérald Carrel incarne le dialogue, l’échange, la tolérance. Loin des guerres de religion, des prés carrés de la doctrine, il prône une présence par la parole, par la prière au sens large, ouverte à toutes et à tous.

A disposition de l’Hôpital à 80%, il officie le restant du temps au Centre de traitement et de réhabilitation à Gilly, au-dessus de Rolle. Gérald Carrel, avec deux collègues, arpente les hôpitaux de la Riviera. Trois autres visitent les établissements du Chablais. La frontière géographique disparaîtra à l’ouverture du Centre hospitalier de Rennaz en été 2019. Ce dernier hébergera l’aumônerie œcuménique unifiée qui couvrira également les deux Cliniques de gériatrie et de réadaptation de Vevey et de Monthey à leur réouverture en 2021. Le nouvel hôpital ne changera pas grand-chose au travail quotidien des aumôniers. En revanche, ils opéreront en équipe, soit six personnes appelés à tourner entre les trois sites. La nouvelle organisation a nécessité une négociation entre le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg et celui du Valais, « entre les deux mitres », le couvre-chef des évêques, précise Gérald Carrel.

Les aumôniers rencontreront des patients hospitalisés pour des courtes périodes ainsi que des personnes dont les séjours pourront durer plus longtemps. Nous proposerons à celles et ceux qui le souhaitent un accompagnement spirituel.

Gérald Carrel a découvert l’hôpital en se consacrant à des proches en fin de vie. Il évoque une dame qu’il a fréquentée pendant trois mois: « Elle m’a mis au monde de l’accompagnement. C’était une expérience forte, vraie qui m’a permis de me confronter au sens de la vie, de la mort.» Ces rencontres ont nourri le désir de quitter la paroisse où il officiait, pour « assouvir la passion de l’humain et pour aller à sa rencontre ». C’est de cette façon qu’il a appris que « les questions sont plus importantes que les réponses ». D’ailleurs, l’aumônier se définit comme « un humain et un croyant en recherche ».

Il est donc à disposition « gratuitement » de tout le monde, à mille lieues d’une quelconque propagande religieuse. «Je ne leur dois rien, ils ne me doivent rien, on peut tout.» De cette manière, il suscite la confiance, la confidence chez autrui. «Alors on parle, on peut se livrer.» Cependant, précise Gérald Carrel, « on est là pour les patients, mais on travaille avec le personnel auquel nous restons attentifs ». L’aumônier n’est pas « une pièce rapportée ». Il communique constamment avec les soignants, avec l’avantage des « deuxièmes lignes qui sont à la fois dedans et dehors ». Lors des visites, il est « en civil », non pas avec une blouse blanche. Il n’y a pas de confusion possible avec les professionnels de la santé même s’il participe à sa façon aux soins.

Gérald Carrel, qui raconte des histoires comme des paraboles délicieuses et instructives, est arrivé à l’HRC en 2014 après 30 ans de métier. Ordonné à Lausanne en 1983, il a officié à Nyon de 1986 à 1994. Ensuite, il a entamé une formation au CHUV, où il a surtout appris «à s’écouter lui-même». De 1995 à 2007, il a été responsable de l’aumônerie des HUG à Genève. Puis, c’est le CHUV entre 2007 et 2014. Le poids de ce qu’il vit le contraint à l’arrêt. Après une période de repos et de réflexion, il rejoint l’Hôpital Riviera-Chablais. Et, depuis 2018, il prépare la nouvelle aumônerie en prévision du déménagement à Rennaz. A 63 ans, il se réjouit de cette nouvelle aventure avec ses collègues.

Quand il veut « vider sa tête, nettoyer le disque dur » et faire des rencontres, il part sur les grands chemins de pèlerinage. Cet été, il compte emboîter le pas des protestants qui fuyaient la France à la suite de la révocation de l’Edit de Nantes; ces huguenots qui ont migré en Suisse pour échapper aux persécutions. En quête de paix et d’une parole apaisante.

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